Les dix pays africains les plus endettés fin 2021

28 octobre 2021 à 10h52

Certains pays africains connaissent un niveau d’endettement particulièrement élevé, et qui devrait même dépasser en fin d’année 2021 la barre symbolique des 100 % du PIB pour sept d’entre eux. Avec une stabilisation de sa dette globale au cours de cette même année, l’Afrique francophone demeure la partie la moins endettée du continent, notamment du fait du dynamisme économique de la majorité de ses pays.

Selon les dernières statistiques et prévisions du FMI, publiées au cours de ce mois d’octobre, les dix pays africains qui devraient afficher le taux d’endettement le plus élevé fin 2021 sont les suivants : le Soudan, avec une dette publique équivalant à 209,9 % du PIB, l’Érythrée (175,1 %), le Cap-Vert (160,7 %), le Mozambique (133,6 %), l’Angola (103,7 %), la Zambie (101,0 %), Maurice (101,0 %), l’Égypte (91,4 %), la Tunisie (90,2 %) et la République du Congo (ou Congo-Brazzaville, 85,4 %).

Les «constantes» et les nouveautés du classement

Le classement des pays les plus endettés du continent demeure donc dominé par le Soudan, pays d’Afrique de l’Est connaissant une grave crise économique et en période de transition politique depuis le coup d’État d’avril 2019. Une situation regrettable pour un pays qui jouit d’un potentiel économique important, en étant abondamment irrigué par le Nil (le plus long des fleuves africains) et ses affluents, ou encore en étant le troisième producteur d’or du continent (après le Ghana et l’Afrique du Sud) ainsi qu’un producteur, modeste mais non négligeable, de pétrole. Il est d’ailleurs à noter que le Soudan fait désormais partie des pays africains les plus pauvres, avec un PIB par habitant de seulement 595 dollars début 2021, selon la Banque mondiale.

Tout en demeurant à un niveau extrême, le taux d’endettement du Soudan a toutefois connu une baisse significative au cours de l’année 2021, puisqu’il devrait s’établir en fin d’année à 209,9 % du PIB, après avoir atteint un niveau de 272,9 % fin 2020. Cette réduction spectaculaire, mais encore largement insuffisante, est due à l’annulation d’une partie de la dette soudanaise en juillet dernier, lorsque les pays du Club de Paris avaient décidé d’effacer 14,1 des 23,5 milliards de dollars leur étant dus (sur un total de 56 milliards de dette soudanaise, toutes origines confondues). La France, un des principaux créanciers du pays, avait alors confirmé sa décision, annoncée lors d’un sommet international de soutien au Soudan organisé à Paris au mois de mai, d’annuler l’intégralité de la dette contractée auprès d’elle, et s’élevant à cinq milliards de dollars (soit un peu plus du tiers du volume global de l’annulation).

La gravité de la situation économique du Soudan s’est notamment traduite par la forte dépréciation de la monnaie nationale, la livre soudanaise, qui a été dévaluée de 85 % en février 2021.

Par ailleurs, cette situation n’est pas non plus sans conséquences sur la politique étrangère du pays, et est probablement en partie à l’origine de deux décisions majeures ayant été prises au cours de l’année 2020, à savoir la conclusion d’un accord avec la Russie pour l’installation d’une base militaire, et l’établissement de relations diplomatiques avec Israël en vue d’un rapprochement avec les États-Unis (et de la levée des sanctions américaines qui ont longuement frappé l’économie du pays, accusé de soutenir le terrorisme).

Si l’application de l’accord avec la Russie n’avait pas été ensuite de facto suspendue, depuis la normalisation des relations avec les États-Unis, elle aurait fait du Soudan le premier pays africain à abriter une base militaire russe officielle (qui se serait ajoutée à une présence militaire non officielle, à travers l’armée de mercenaires de la compagnie Wagner). Quant à la seconde décision, localement impopulaire, elle a fait du pays le premier pays arabo-africain non frontalier à nouer des relations diplomatiques avec l’État hébreu.

Pour sa part, l’Angola continue à faire partie des cinq pays les plus endettés du continent. Une situation assez surprenante pour un pays qui dispose de gigantesques richesses naturelles, et en particulier en pétrole et en diamants pour lesquels il est le deuxième producteur continental (après le Nigeria et le Botswana, respectivement). Toutefois, et malgré ses atouts, l’Angola connaît aussi un déclin économique depuis quelques années, faute d’une gestion sérieuse des revenus colossaux amassés au cours des deux dernières décennies, et qui se manifeste notamment par l’absence de diversification de l’économie du pays, qui repose lourdement sur les activités extractives (les hydrocarbures et les industries minières étant à l’origine de non moins de 98 % des exportations nationales).

Du fait de cette mauvaise gouvernance, qui a empêché le pays de faire face à la baisse du cours des hydrocarbures observée ces dernières années et à l’épuisement progressif de certains gisements, l’Angola a enregistré une croissance annuelle négative de -1,6 % en moyenne, selon la Banque mondiale, sur la période de six années allant de 2015 à 2020, soit un taux largement inférieur à celui de sa croissance démographique (3,2 % en moyenne sur la même période).
Par conséquent, le pays vient par exemple de se faire dépasser en richesse par habitant par la Côte d’Ivoire, dont la production pétrolière est environ 30 fois inférieure, mais qui peut s’appuyer sur une économie bien plus diversifiée, et qui lui avait d’ailleurs permis de devancer récemment le Nigeria, l’autre grand pays pétrolier du continent (avec une production environ 50 fois supérieure).

Par ailleurs, il est à noter que l’évolution économique de l’Angola s’est également traduite par une baisse de 84 % de la valeur de la monnaie nationale par rapport au dollar depuis 2014, dont l’ampleur rappelle la forte dévaluation récemment subie par la monnaie soudanaise… Et avec à la clé, là aussi, une forte inflation et une forte dollarisation de l’économie (utilisation du dollar pour une partie importante des transactions, par refus de la monnaie locale considérée comme risquée).

À l’instar de l’Angola, la Zambie demeure elle aussi bien installée dans la liste des pays africains les plus endettés, en dépit, là encore, des grandes ressources du pays, qui est notamment le deuxième producteur africain et le huitième mondial de cuivre. Toutefois, et faute de bonne gouvernance, la Zambie continue à ne pas réellement tirer profit de son potentiel, et avait même attiré les projecteurs de la presse internationale au second semestre de l’année 2020 en devenant le premier pays africain à faire défaut sur le remboursement de sa dette (majoritairement contractée auprès de la Chine, comme pour l’Angola). Outre le Soudan, l’Angola et la Zambie, l’Érythrée, le Cap-Vert, le Mozambique et l’Égypte continuent également à faire partie des pays dont la présence est bien enracinée au sein du groupe des dix pays les plus endettés du continent.

Côté nouveautés, la Tunisie devrait faire une entrée remarquée et historique dans ce groupe des dix, avec un niveau d’endettement passant de 89,7 % à 90,2 % du PIB. Une situation qui résulte de l’instabilité politique et de la grave crise économique qui ont touché le pays au cours de la dernière décennie, depuis la révolution tunisienne de janvier 2011.
Autrefois considéré comme un modèle de développement économique et social pour l’ensemble de l’Afrique et du monde arabe, en dépit de certaines lacunes, parfois exagérées, la Tunisie a en effet connu une décennie perdue en enregistrant une croissance économique annuelle de seulement 0,7 % en moyenne sur la période de dix années 2011-2020.

Par ailleurs, ce pays d’Afrique du Nord, qui jouissait auparavant d’une excellente réputation auprès des marchés financiers internationaux, sans égal sur le continent en dehors de l’Afrique du Sud de l’époque, n’est aujourd’hui plus en mesure de lancer le moindre emprunt obligataire à des conditions optimales (taux d’intérêt bas et proche de ceux dont bénéficient certains pays développés). Ce qui pousse le pays à recourir au FMI et à la Banque mondiale, et/ou à solliciter la garantie financière d’une grande puissance étrangère.

L’autre évolution notable dans ce dernier classement du FMI réside dans l’amélioration significative de la position du Congo-Brazzaville, qui devrait passer de la septième place fin 2020 à la dixième place fin 2021, et qui devrait même quitter de nouveau la liste des dix pays les plus endettés du continent d’ici à la fin de l’année 2022.

Si les efforts du pays en matière d’assainissement des finances publiques sont à saluer, il convient désormais que les autorités s’attellent à réaliser de profondes réformes économiques, à travers la diversification des sources de revenus et l’instauration d’un cadre plus propice aux investissements. Le Congo-Brazzaville devrait notamment s’inspirer du Gabon voisin, avec lequel il partage nombre de points communs (caractéristiques géographiques et climatiques, production pétrolière significative, faible population…) et dont les grandes réformes de ces dernières années ont permis au pays de devenir récemment le plus riche du continent, en dépassant le Botswana en termes de richesse par habitant (et hors pays de taille et de population particulièrement réduites, à savoir les Seychelles, Maurice et la Guinée équatoriale).

Enfin, Maurice, récent nouveau venu qui avait fait son entrée parmi les dix pays les plus endettés du continent au cours de l’année 2019, selon les données révisées du FMI, continue à souffrir de l’effondrement du tourisme international, suite à la pandémie. Le pays devrait continuer un certain temps à avoir un niveau d’endettement assez élevé, au moins à court terme (et prévu à 99,8 % pour fin 2022).

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